Xian xi 修心

Pour beaucoup d’entre nous, le terme méditation revêt une connotation exotique assez systématiquement associée avec l’extrême orient, une transcendalité rattachée à une improbable assimilation de difficultueuses valeurs hors culture occidentale car marquées au coin du bouddhisme zen, du taôisme et du confucianisme.

De récentes retraites effectuées dans le silence de l’Auvergne reculée , terre de France, au Centre artistique littéraire des arts martiaux (Calam), m’a permis grâce à l’enseignement que j’y ai reçu, d’adopter un manière plus abordable, plus généraliste, mais aussi plus factuelle d‘aborder cette pratique, que cela soit selon objectif spirituel, ou celui, martial . Les indications simples et pratiques qui m’y furent communiquées permettent de ne pas se fourvoyer dans ces méandres confessionnels et philosophiques venus d’ailleurs, mais justement d’adapter cette pratique à la conscience de notre temps, à notre vingt et unième siècle occidental. Certes, les directives transmises ne constituent qu’une première strate de travail, étape pour aborder cette pratique, d’autres, de davantage d’élévation d’esprit, suivront

Pourquoi méditer ?

C’est là une manière de nous démarquer de nos chimères, de nous éloigner de nos poncifs, de fondre nos préjugés, de nous dépouiller de toutes nos illusions, de mettre à jour les potentielles subtilités de notre intelligence. Méditer, c’est apprendre à développer notre capacité de pacification intérieure, en entraînant notre esprit à voir les choses telles qu’elles sont, à nous voir en nous même tels que nous sommes, en quelque sorte, à nous rencontrer.

Comment méditer ?

Concentration et vigilance.

Pour obtenir et maintenir un mental méditatif lors du travail solitaire de la posture, en position assise (za zen en japonais) ou debout( ritzu zen), que cela soit sur un ou deux appuis et quelle que soit   la position ou la hauteur des bras, il convient de créer, grâce à l’esprit (shen) la sensation concrète de  la ligne de centre, selon le parcours de ren mai et de du mai , les méridiens porteurs des points mobiles,(vitaux)  respectivement situés devant et derrière le  buste. Ces lignes de centre, centrales ou médianes, constituent le repère, l’élément référentiel, l’outil tangible qui va nous permettre de méditer debout (Zhang chuan  en chinois).

Il convient de faire en sorte de dégager, chaque jour, un contrat de disponibilité avec soi même, afin de se réserver une plage quotidienne de posture, dont la longueur dépend de notre envie, mais surtout de notre évolution dans la pratique. Il est préférable de n’assurer que cinq minutes 

qualitatives en concentration, qu’une heure en vagabondages et divagations mentales. Il est préférable de pratiquer le matin, dehors, avant de manger, et de se vêtir après la séance.

Il convient d’aborder ce travail sur soi selon une démarche attentive, globalisant corps et esprit, soit  conforter cette sensation de centre, de milieu, de ligne médiane, de méditation. Pour cela, un net ressenti confinant le kinesthésique doit s’installer entre la porte du ciel, au sommet du crâne, (bai hui), et le périnée (hui yin). Nos respirations profondes voyageant (du bas  le haut puis, du haut vers le bas, avec ou sans rétentions) à l’intérieur cette ligne de méditation constituent une aide non négligeable pour demeurer attentif et vigilant. L’attention empêche l’esprit de s’écarter de son objet, celui que l’on fixe dans un proche lointain, ou un lointain proche, alors que la vigilance, comme une prégnante sentinelle, observe s’il en dévie. Il est alors possible de distinguer neuf étapes de travail combinant attention et vigilance :

a- Voici les trois premières :

1- Placement initial de  l’esprit : Choisir un objet de concentration et demeurer, en le fixant, dans une continuelle non distraction, en évitant que l’esprit ne soit soumis  aux phénomènes extérieurs liés aux personnes, aux objets, aux bruits, mêmes lointains, aux odeurs du lieu où l’on se trouve.

2- Le placement continu : Il convient de maintenir continuellement l’esprit sans céder à la distraction  Le mental doit être contenu dans le présent, ici et maintenant, de manière à pleinement vivre l’instant présent, et surtout éviter de laisser fuiter la sensation médiane dans un passé révolu ou un hypothétique futur.

3-Le replacement : Aussitôt que vous vous surprenez à dévier de l’objet de votre attention ; replacez votre esprit, inlassablement. Ainsi, en  détectant toute forme de distraction et de déviance de la méditation, il va s’avérer possible de raviver notre attention, puis de rediriger l’esprit vers l’objet.

b- Une autre aide technique consiste à entrainer notre esprit à répartir ses capacités. Pour contrôler son esprit, il nous faut le maintenir ni trop tendu, ni trop relâché, comme les cordes d’un instrument de musique, faute de quoi aucun son n’en sortira. Pour cela, il nous faut maintenir notre esprit à un niveau adéquat d’attention. Une concentration trop lourde sur la technique amène des frustrations et toutes sortes d’activité mentales qui agitent l’esprit. La technique de base consiste à s’identifier à la respiration Il nous faut donc nous tenir au bord de cette technique avec 25% de notre attention, , un autre 25% se détendant, un autre 25% s’efforce d’entrer et de rester en estime avec soi même , le dernier 25 % devant se connecter à l’attente, à l’ouvert, de manière à ce que nous demeurions disponible à la possibilité que quelque chose puisse s’élever durant nos sessions de pratique.

c . Technique « hydrographique «  pour la progression du calme intérieur.

Source d’inspiration :

Au début, rien ne vient
Au milieu, rien ne reste,
A la fin, rien ne part.

Milarepa.

Lors de nos tentatives de méditation posturales, chacun d’entre nous doit faire face à d’incommensurables difficultés liées aux douleurs générées par la tenue des bras, mais aussi à l’agitation chronique de notre esprit Cette agitation, ce brassage incessant de pensées parasites et dû à notre mode de vie, que nous avons insidieusement adopté, que souvent nous subissons davantage que nous ne l’avons choisi.. Lorsque nous démarrons l’exercice, un flot incessant de pensées autant dérisoires que désordonnées et fugaces investit notre espace intellectuel, occultant l’érection de toute pensée construite durable. Il convient de s’efforcer de maitriser le processus de ces pensées si l’on veut apprendre à se diriger vers la sérénité. Il est essentiel de vouloir se déconnecter des passés passés entreposés dans un passé dépassé, mais aussi éviter soigneusement de laisser spéculer l’esprit vers les incertitudes que nos voulons rassurante d’un futur non encore présent, se substituant alors justement à l’instant présent que nous ne savons pas vivre dans son entièreté, dans sa plénitude, comme nous l’enseignaient nos anciens ! « Carpe diem » , ou le « ici et maintenant «  des orientaux..De nombreux textes bouddhistes illustrent la pacification du tourbillon de nos pensées par la métaphore de la transformation du courant de la pensée à celle de l’eau, depuis l’origine de ses sources montagnardes, selon le principe naturel progressif de la cascade, du torrent, du fleuve tranquille, du lac serein, puis de l’océan.

«  Sans la quiétude, l’esprit, tel un cours d’eau, est toujours agité. Incapable de se poser defaçon égale et stable, il ne peut vraiment pas comprendre ce qu’il est «

Au début, mon esprit, flot de mes pensées, est cascade, violente, déferlante, fracassant ses eaux sur les rochers ,rebondissant anarchiquement sur les parois du canyon, comme mes trop nombreuses pensées vagabondes se heurtent aux contreforts de mon cerveau, dans un tourbillon incontrôlé ou elles s’entremêlent dans les remous de mes angoisses, où passé , futur, et présent , joies et peines, peur et réactivité, doute et assurance, indécision et intention, surprise et certitude, se chevauchent impétueusement . Mais je veille, en fournissant un effort pour ramener mon attention sur l’objet de ma méditation,

Puis, mon esprit devient torrent, encore impétueux, mais maintenant confiné par des rives, contenu par les frontières de ma volonté à maintenir mon regard périphérique. Mes pensées, encore charriées par un fort courant intempestif, naviguent encore d’un bord à l’autre, tournoyant dans les remous écumants Mais des plages de gravier permettent parfois une alternance de repos et d’activité, permettant à mon esprit de peu à peu commencer à s’apaiser malgré quelqques remous impétueux survenant çà et là.

Puis mon esprit, s’élargit, devenant vaste fleuve tranquille qui s’écoule sans encombre, est maintenant trop puissant pour être accaparé par des pensées désordonnées, dérisoires troncs d’arbre ou déchets végétaux entraînés dans la régularité du courant de ma respiration ,consciente et profonde

Puis, mon esprit se transforme en un immense lac paisible, seulement ridé par quelques négligeables vagues, acquérant son calme maintenu dans sa profondeur.

Enfin, mon esprit , extensible au-delà de mon champ immédiat de concentration et de vigilance, est infinie comme l’horizon de l’océan, mon ici et maintenait devenu inébranlable n’a plus besoin de recourir aux précédents antidotes visant à éradiquer nos pensées vagabondes. Les quelques rares déchets mentaux subsistant viennent doucement s’échouer sur la grève de notre paix intérieure,

immédiatement occultés par l’immensité des lieux. Le corps détendu, l’esprit repose son étt naturel, simple et serein, maintenant capable de cultiver une stabilité méditative.

Nous concevons que la pratique d’une langue, l’apprentissage d‘un instrument de musique ou d’une chorégraphie, la rédaction d’un texte, la tessiture d’une voix, ou la qualité d’attaque de la pierre par un burin ne s’acquièrent pas en quelques séances, ou même en quelques années. Il s’agit de l’investissement d’une vie, d’un lent cheminement qui doit se bonifier grâce aux acquis patiemment accumulés. Pourquoi n’en serait pas de même pour l’éducation de notre esprit ? Le résultat, même à long terme, constitue un noble objectif, dont l’aboutissement peut être si grandiose qu’il peut illuminer le temps qui nous reste, quel que soit sa durée Il nous permet de mieux vivre à côté des autres., en relativisant les écueils que ne manque pas de nous adresser la vie au travers de ses nombreuses situations conflictuelles.

Naissance et mort, Profit et pertes

Succès et échec, santé et maladie

Ces qualités sont de ce monde

Dans ses transformations constantes

Continuellement devant nos yeux

Elles s’évanouissent l’une dans l’autre

Sans que nous sachions d’où elles viennent

Le maitre maintient son équilibre

Quel que soir l’opposé dans lequel il se trouve

Il laisse les choses poursuivre leur rotation

Et demeure concentré sr ce qui est réel

Il est comme l’océan

Bien qu’il y ait des vagues en surface

Dans ses profondeurs, le calme est parfait

Tchuang tseu, 5.

 

Jean-Claude Guillot

2 mai 2016, St Germain u Mont d’or,

Inspiré des écrits, lectures, et enseignements de Michèle et Christian Ribert


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