55- 13 aout au 27 aout 2009- Premier voyage en Chine

Pourquoi ce voyage ?

Compte tenu de l’état d’esprit pré-démissionnaire dans lequel je me trouvai à l’époque vis-à-vis de mon école, le pourquoi de ce voyage m’apparut tellement évident, tellement indispensable, que j’en vins à endurer le compte à rebours des jours compris entre le désastreux stage de juillet et celui du départ. Autrement dit, je nourrissais, sans presque m’en rendre compte, le pressant besoin de rencontrer, puis me faire connaître bien apprécier d’un nouveau maître, de lui signifier la potentialité de mon engagement, de me lancer à corps perdu sur ses traces, inconditionnellement, comme j’avais toujours agi, inconsidérément et en toutes choses. Je commis l’erreur de ne pas parler directement de ce voyage à mon Maître, craignant dans un premier temps d’avoir à nouveau à subir ses quolibets. A vrai dire, je réalisai ensuite que s ‘agissant de Mon initiative, de Mon projet, de Ma décision d’aller voir ailleurs , je n’ entrevoyais alors plus le moindre besoin de l’y associer.

Si Manuel Agletiner, l’organisateur de ce voyage avait brillement concocté un programme d’une quinzaine de jours qu’il comptait nous faire partager entre pratique et tourisme, il était pour moi clair que ce voyage recelait un objectif essentiellement professionnel, assorti d’une plausible bifurcation de mon dojo vers une école de Da Cheng chuan. Le fait d’approcher la source sinisante des méthodes internes m’attirait également, tout en me permettant, enfin, d’avoir un excellent prétexte pour, un temps, peut être, ou pas, de tourner le dos à l’indéfectible mal être qui m’habitait. Enfin, la perspective de voyager en sécurité dans ce pays, de pouvoir étudier en toute confiance avec un expert sélectionné par le brillant Manuel ne pouvait que me rassurer, car trouver un plus pertinent guide relevait de l’impossible. Et puis la soixantaine approchant, cette opportunité me semblait devoir  être  saisie  au bond, d’autant que les conditions tarifaires en semblaient  avantageuses. Nappage de cerises et autres fruits rouges-cœur sur le gâteau, Françoise s’était décidée à m’accompagner, malgré ses primes réticences pour le martial sensé m’accaparer : nous ne nous languirions donc pas l’un de l’autre. Il ne nous restait plus qu’à partir !

Dix participants à ce voyage.

Tous émanaient d’horizons géographiques différents, mais tous entretenaient une indéfectible passion pour le martial, ou pour la Chine. Outre Emmanuel et son amie suédoise d‘origine salvadorienne ne communiquant qu’en anglais, je rencontrai Aurelio et Clara, couple d’adeptes trentenaire de Nantes, Mathias enseignant trentenaire en Normandie, Cécilia, touriste quinqua agrégée par je ne sais quel mystère à ce groupe. Manquait à l’appel le couple Vibert, enseignants en Auvergne. Il était convenu que nous devions les retrouver directement à l’aéroport de Pékin. De brèves attentes à Roissy, puis à l’escale d’Helsinki nous permirent de lier connaissance et de tous très rapidement sympathiser. Une chose me frappa. D’emblée ! A force d‘échanger avec les adeptes trentenaires qu’étaient Aurelio et Mathias, je me sentis vite dépassé en réalisant leur degré de maitrise des liens You-tube traitant du martial. Mathias, comme moi professionnel, enseigne le karaté Shito- ryu pour gagner sa vie, mais s’efforce de constituer un réseau pour intervenir dans les EPHAD, les prisons, et les hôpitaux. Sa vie ressemble à la mienne. Quel charmant garçon, positif, factuel, réservé, « vrai » ! Il se positionne en tant que disciple de ce fameux couple Vibert auquel il semble vouer le plus prononcé des respects.

Rencontre avec Christian et Michele Vibert

Une fois arrivés à Pékin, après un vol aussi inter que long et minable de par le manque d’espace pour allonger ses jambes, une ombre s’affiche sur le front pourtant toujours radieux de Manuel, notre jeune chef de groupe. Le couple Vibert, enseignants professionnels à Calam, en Auvergne,( centre artistique et littéraire des arts martiaux) ayant emprunté un autre vol, selon des  horaires d’arrivée différents, est sensé nous retrouver dans ce même aéroport Mais ils ne sont pas au rendez vous. Quelques appels sur portable ne donnent rien. Après plusieurs heures d’une longue recherche dans l’immense aéroport, de guerre lasse, nous décidons de pauser ! Alors que le groupe, éprouvé, s’est installé à une terrasse de café, un couple quinquagénaire d’occidentaux, l’air préoccupé, passe à proximité dans le flot incessant des voyageurs caquetant et pressés. Hagard, essoufflé, visiblement inquiets, leur regard balaye sans cesse les alentours. Le sien croise le mien ! Il est porteur d’un sac marqué « lutte chinoise »… Intrigué, je l’interpelle, lui demandant à tout hasard s’il ne serait pas Monsieur Vibert : surpris, essoufflés, puis radieux, soulagés d’avoir effectué la jonction, son épouse Michèle et lui, acquiesçant, nous gratifient d’un immense sourire illuminant notre première poignée de main : le groupe est au complet !! Cet épisode ne fut  pas sans me rappeler  mon voyage de 2002 au japon, au cours duquel j’avais pendant dix jours côtoyé, tout comme Christian Vibert, deux décapés  intentionnels  de la  coupole, ratiboisés du promontoire, en les personnes de mes amis Alan et Francesco. Michele, au contraire, arbore, outre son permanent autant que bienveillant sourire, une longue crinière dorée attachée en queue de cheval, renforçant son profil guerrier d’amazone. En observant leur silhouette , leurs démarches félines, il est pour moi manifeste que tous deux ont été, mais à mon avis, demeurent des sportifs de très haut niveau.

Rencontre avec Maître Wang Sheng Wen et ses disciples.

Un peu plus tard, les retrouvailles dans une autre lointaine partie de l’aéroport, entre les Vibert, Manu et Wang Shang Wen sont émouvantes, cordiales et sincères, ce pour les deux parties. Maitre (Sifu WSW ) Wang Shang Wen, à l’époque, âgé de 57 ans est un authentique disciple de Wang Xuan Jie, ex maitre des Vibert, lui-même disciple du fondateur du Da Cheng Chuan, Wang Xiang  Zai. Ancien policier, maintenant enseignant professionnel, le maître est de taille moyenne, enveloppé, brun, joufflu, jovial, simple. Il vit avec une cigarette vissée au coin des lèvres. Même lorsqu’il s’entraine. Souriant  simple, gai,  chaleureux et cordial, Il affiche d’entrée la haute importance qu’il attache à notre confort et à la réussite de notre séjour.

Le Maitre est accompagné par une délégation de six ou sept assistants, tous étrangement vêtus de la même façon, d’un banal pantalon de survêtement dont la couleur tranche avec leur épaisse chemise flottante en coton, de style bûcheron canadien, totalement incompatibles avec l’étouffante chaleur ambiante. Mais tous arborent ce même type de vêture que le maitre. Je suis  effaré de constater que tous nous accueillent cigarette au bec… Comme le maitre. Le premier  contact avec les assistants semble toutefois  teinté de méfiance, de distance plutôt .N’est ce pas la première fois de leur vie qu’ils entrent en contact avec des français ? (Fa Guo). Parmi eux, Shen Hong Pu, la trentaine, premier assistant de Sifu Wang Shang Wen. Xia Nan, 23 ans, l’intellectuel et affairiste du groupe. Shang Lin Chao, 27 ans, évoquant un félin en colère,   Li Jun, la trentaine, tous, disciples avancés. LI Zong Dao, 19 ans, débutant, sert d’interprète anglais-chinois. Li Hong Miao, la trentaine,  adepte de Kung Fu à l’échelon national, Li Chen Man, la quarantaine quelque peu crasseuse et renfrognée, tous deux, élèves du maitre. Enfin, Gian Zhao Guo, la quarantaine,  dévoué chauffeur tout au long du périple. C’est ce groupe qui encadrera notre séjour, autant pour la pratique, que lors de certaines visites touristiques, que pour notre sécurité et notre bien être. Une chose nous a frappé, tous autant que nous étions, à propos de ces disciples. Qui sont-ils ? Que font- ils, quelle est leur activité professionnelle ? Quand travaillent –ils ? Comment font ils pour parvenir à suivre leur maître partout et en permanence ? .A toutes ces questions Manu ne répond que d ‘une manière incertaine et évasive, me confiant en fin de stage, sous un discret couvert, sa propre perplexité.



Rencontre et impressions avec l’empire du milieu : 

Davantage de détails sont consignés sur mon site, dans la rubrique « Notes de stages », « voyage en Chine 2009 ».Ils couvrent, nt au jour le jour les nombreuses impressions accumulées lors d’un tel voyage. Les lignes qui suivent n’en représentent donc qu’un bref ressenti.

Chaleur ambiante

Dès notre sortie de l’avion, le premier contact avec la Chine est caractérisé par un énorme choc thermique. La chaleur, confinant à l’insupportable, est lourde et poisseuse. Nos vêtements nous collent immédiatement  à la peau, rendant nos volumineux bagages encore plus pénibles à trimballer. L’impression de pénétrer dans une étuve  constitue un comble, notre escale précédente s’étant effectuée au pays froid  des saunas !

Dès notre sortie de l’aérogare, une fois entassés par les chinois dans des combi cars avec sacs et bagages, le spectacle de la Chine moderne nous saute aux yeux, échappant à l’image « pagodes, longueur de temps et nénuphars » que certains d’entre nous s’en faisaient encore! L’empire du milieu, de la gauche à la droite, de devant et derrière, ici et partout, a endossé l’aspect d’un immense et laborieux chantier. Routes, autoroutes, autoponts, trémies, immeubles, buildings, grattes ciels,  centres commerciaux, installations culturelles et sportives, rien n’échappe à l’armée de camions, de bulldozers,  aux myriades d’ouvriers disséminés sur les chantiers, besogneux et actifs malgré la chaleur étouffante. Comme si une frénésie de construire s’efforçait méthodiquement d’occulter toute trace de la tradition.. Quasiment tout le trajet est érigé de paysages évoquant des murailles jaillies précipitamment de terre, affirmant la volonté de ce  pays de vite se mettre au diapason d’une mondialisation qui l’aurait oublié ou négligé pendant plusieurs siècles. Nous observons que les vieux bâtiments des  quartiers des faubourgs, ou de la très proche périphérie de Pékin semblent être systématiquement « explosés » au bull- dozer, pour laisser place à  de fières et  imposantes  constructions verticales modernes, sans nul doute au détriment du riche et subtil passé de l’empire du milieu. 

La Chine embouteillée

Un autre phénomène nous frappe tous, tout du moins, ceux qui, comme Françoise et moi, débarquons pour la première fois. Le trafic routier s’avère partout plus qu’intense : démentiel !! Les embouteillages sont nombreux, inextricables et passionnés : c’est à qui forcera le passage. Nous roulons, de temps en temps, mais pas longtemps, pare choc contre pare choc. L’atmosphère empuantie par la densité des gaz d’échappement péjore la température ambiante. En Chine, le code de la route ne semble, en tout état de cause pas aussi rigoureusement appliqué que le furent les préceptes du petit livre de Mao. En ville, files, distances de sécurité, priorité, stop, sens unique, clignotants, feux rouges, courtoisie, respect des autres, sont des mots ne semblant en aucun cas faire partie du champ lexical de ceux tenant un volant, que je me refuse à nommer «  chauffeurs », « pilotes », « conducteurs », tant leur conduite est inacceptable  !! Les chinois roulent au klaxon, s’engagent jusqu’au tutoiement des carrosseries ou des pare chocs, maniant l’audace, l’esbroufe, jusqu’à ce que l’autre cède. Mais à l’inverse de la France, dans ces cas là indignée et réactive, tout se déroule sans provocation du regard ni de la voix, ou du geste. Le calme  demeure la plupart du temps de circonstance, même lors du déploiement de la pire des impudences ou d’un l’individualisme exacerbé. Nous avons tremblé plus d’une fois ! Là, manquant d’écraser deux cyclos- pousse, là, d’être nous-mêmes calaminés par un porte conteneur, ici, de télescoper frontalement une bonne dizaine d’autres voitures, notre chauffeur, en flagrant excès de vitesse dépassant en troisième position, par la gauche, puis, par la droite, selon la meilleure opportunité. Là encore, un motard avec sa femme, leur trois enfants en bas âge, l’un tenant un chien, tous agglutinés sur un deux roues, nous grille la priorité ! Il faut un miracle de maitrise de notre chauffeur pour ne pas les propulser sous un bus, puis, pour ne pas nous-mêmes nous faire emboutir par derrière par une pelle excavatrice. Je ne peux m’empêcher de me figurer les pétaudières que deviendront les villes chinoises, sachant que pour l’instant, peu du milliard et demi de chinois (environ six pour cent seulement) possèdent une voiture, alors que tous aimeraient en posséder une. Compte tenu du passage de leur pays d’une économie d ‘état à une économie de marché, les chinois se sont découverts une âme consumériste. La pollution de notre planète due au réchauffement climatique, mais aussi à la délétère influence humaine, augmentera ainsi proportionnellement, reléguant les accords de Kyoto et de Copenhague  au rayon des constats uniquement bons à être appliqués…par les autres pays…. !.

De la pratique de la langue chinoise

Voici un autre, non négligeable point de déception !! Il m’est très rapidement loisible de constater que les 18 mois passés à étudier les rudiments  de la langue chinoise ne me serviront pas à grand-chose lors de ce court séjour. Mon accent, plutôt gravissimes, ne serait ce que pour commander fruits et thé, ne semble pas suffisamment affûté pour permettre aux serveuses, hilares, de me comprendre, puisqu’elles apportent à la place, des  gadgets, du papier, des gâteaux ou des œufs. Opiniâtre, je tente, mais de plus en plus timidement, d’engager quelques dialogues avec des gens du cru. Certains me devinent, plus qu’ils ne me comprennent. Dans presque tous les cas, malgré leur manifeste curiosité et leur désir d‘échanger, je dois pratiquement à chaque fois rendre les armes lorsqu’ils se mettent à déverser gutturallement leur langue, pour finir par tenter de leur dire que je coinche pas un marron !! Je n’ai pas le niveau… !!!

Du comportement social des chinois

«  LE chinois», en tant qu’entité, qu’homme de la rue, et Dieu sait s’ils sont innombrables, s’avère le plus souvent peu discret, expansif, bruyant, peu distingué. Il ne sait s’exprimer sans hurler. Le chinois est de surcroît sale ; il crache par terre, après avoir bruyamment et abondement expectoré. Le chinois mâle est mal fringué,  en général  commun, portant le plus souvent pantalon de survêtement, maillot de corps ou t-shirt bariolé, tongs ou claquettes éculées, tennis crasseuses,  ou de petites chaussures de Kung Fu sans semelles ! Pour couronner le tout, le chinois fume, beaucoup, partout, souvent, jetant ses mégots sur le trottoir, cohabitant avec leurs crachats. En Chine,s’ il est admis de fumer dans tous les lieux publics : il est de très mauvais ton de s’en plaindre.  Quand il mange, le chinois bâfre, souvent debout, dans la rue, à la gare, dans le bus ou le train. Bruyamment, goulument et vite, il aspire ses pâtes de riz lyophilisées, s’inondant le menton de sauce soja ou de jus piquant, avalant tout rond. Il rote et pète fréquemment, en échappement libre connexe à celui du flot de circulation .Là où il se trouve, il jette ses papiers gras ou abandonne ses contenants vides, s’accumulant avec cramiots et bouts filtres. Les rues sont ainsi jonchées d’insalubres déjections, diminuant drastiquement l’attractivité touristique des villes. Nos civilisations occidentales aseptisées nous ont sans doute rendues trop regardants. Les chinois vivent très bien ainsi, semblant être mithridatisés par leur milieu ambiant. Ils ne se posent pas nos questions. Quant aux chinoises, dont beaucoup sont jolies et soignées, elles, s’avèrent plus coquettes,  influencées par la mode occidentale. Indépendantes, d’orientation résolument moderne, elles ne semblent guère farouches.

Le téléphone portable est aujourd’hui en Chine un outil universel, dont chacun « doit » » être équipé. Oui, c’est de venu un must !! Son usage est à l’évidence encore plus frénétique, j’entends plus fréquent, encore moins raisonnable que chez nous!! Il est sur-utilisé à tout propos et hors de propos, par des usagers vociférant, gesticulant avec véhémence, selon l’altitude d’un ton laissant penser que le locuteur haït son correspondant, l’engueule, le menace, voir, l’insulte ! Tout cela ne semble  le moins du  monde  ni choquer, ni déranger leurs innombrables voisins, de bus, de train, de restaurant  ou lecteurs des espaces publics installés à proximité ou en périphérie. La Chine, malgré sa gouvernance d’ordre collectiviste et totalitaire, si elle est loin d’être le pays des droits de l’homme, est celui des libertés anarchiques, où chacun semble pouvoir y faire, quand il le veut, où il le veut, et comme il le veut, ce que bon lui semble, sans se soucier d’autrui. Une telle attitude ne constitue pour autant pas pour eux une atteinte aux codes de bonne conduite. Mais c’est sans doute ainsi que le raffinement philosophico-littéraire et artistique infusant le comportemental, autant de plumes chamarrées de l’apanage de la Chine ancienne, sont, comme les vieux quartiers, comme les cours carrées, comme les vieilles pagodes traditionnelles,  bel et bien passé à la trappe de cette modernité. La révolution dite « culturelle » a ainsi fait son œuvre collectiviste, selon son traditionnel nivellement par le bas, partageant équitablement entre tous médiocrité et superficialité!

Du niveau de vie en Chine

Le niveau de vie de la plupart des chinois est beaucoup plus bas que le notre. Seule, une infime partie de leur population affiche un patrimoine parfois pharaonique. Ceci s’explique par l’ouverture vers l’économie de marché, qui permit à quelques affairistes avisés de faire des fortunes si colossales que certains d ‘entre eux sont entrés dans le « top  dix » des grandes fortunes mondiales. Il est donc étonnant de constater au pays du collectivisme d’un rouge après tout pas si vif, qu’une telle différence puisse exister, de surcroît étirant à l’extrême les inégalités sociales, dénigrant de fait le nivellement préconisé par Marx et Mao.

A cette époque, en 2009, le salaire moyen de la plupart avoisinait les trois cent euros mensuels. La vie y était toutefois beaucoup moins chère qu’en occident, que cela soit pour la nourriture, les biens de consommation courante, les vêtements ou les transports. L’argent en Chine circule beaucoup, car presque tout y est réglé en espèce. Un euro valait sensiblement 10 yuans Ce ratio confére à l’occidental de passage avec cinq cent euros d’argent de poche, un pouvoir d’achat plutôt percutant, en tout cas, confortable. Ainsi, il nous a été permis d’accéder à des hôtels très haut de gamme pour environ trente euros la nuit. Les prestations proposées en contreparties auraient largement values beaucoup plus en occident. Autrement dit, nous sommes descendus, entre Pékin, Shanghai, Tin hua et les autre endroits visités, dans des hôtels de luxe nantis de toute la gamme de services confinant l’irréprochable.

La nourriture en Chine

La nourriture, en Chine, plus que partout ailleurs s’avère d’une importance prépondérante : Il apparait que les affres de la famine des années soixante qui provoqua des centaines de milliers de morts, a marqué la mémoire collective d’une indélébile trace. Que les chinois d‘aujourd’hui, tous en mesure de manger à leur faim, ont érigé la nourriture en culte. La langue officielle,  le mandarin, comporte à son origine des idéogrammes et pictogrammes inspirés du monde rural pourvoyeur de nourriture à tout un peuple. Cette langue exprimée scripturalement grâce à de signes représentatifs des épis de blé, de l’eau, des arbres, des animaux d’élevage, des instruments agraires et araires, basés sur les champs, les blés, la nature, pour signifier beaucoup des mots , idiomes  ou expressions du langage courant, connotent l’importante de la nourriture, premier souci du Chinois moderne..

Les chinois adorent fréquenter les restaurants en famille de trois générations, où ils dévorent bruyamment, plutôt qu’ils n’y mangent. Les restaurants, même pour eux, demeurent bon-marché. Tous proposent des gammes de plats traditionnels variés, gouteux et abondants Dès qu’on est installé autour de ces grandes et conviviales tables rondes recouvertes, par commodité hygiénique d ‘une plaque en verre tournant, les serveurs y déposent immédiatement un plat, destiné à faire patienter les convives. Suivent ensuite, une profusion de mets variés, dans lesquels tout un chacun peut accéder, armé des inévitables baguettes. Soupes, entrées aux légumes verts, viandes variées, poissons, fruits de mer, tofu, riz à la vapeur, se succèdent à des cadences infernales, selon des quantités qui n’ont très rapidement plus de rapport avec notre appétit. L’ensemble est abondant, savoureux, et pas trop épicé, ce que Françoise et  moi craignions. Chacun peut également trouver à se nourrir en fonction de ses sélections, de ses gouts ou de ses restrictions. Ce fut un des points positifs de ce voyage.

De la médecine chinoise

Je me suis à plusieurs reprises au cours de ce voyage, surpris à culpabiliser sur l’agrément que pouvait ne pas en tirer mon épouse, compte tenu de son manque d ‘attrait pour le martial. Françoise pour qui je redoute que ce séjour ne s’avère pas aussi profitable qu’il l’est pour moi, profite de son temps libre pour faire seule du tourisme. Elle supporte si mal la chaleur que ses chevilles s’en trouvent anormalement gonflées, au point de lui provoquer des œdèmes. Au point d’être en mal de supporter des chaussures. Lors du dernier entrainement, alors que nous étions en visite dans le village où vivaient les parents de Xia, sa mère, qui avait mis pour nous recevoir les petits plats dans les grands, proposa de convoquer leur médecin de famille Un vieux monsieur discret empreint de sérénité diagnostiqua un problème circulatoire après avoir examiné Francoise. Il lui prescrivit la prise biquotidienne d’une décoction avec une plante particulière. Nous n’eûmes aucun mal à nous la procurer. Outre son gout selon Francoise, épouvantable, la tisane s’avéra si efficace que mon épouse vit très rapidement ses chevilles dégonfler, son séjour se terminant ainsi dans les meilleures conditions. Pourquoi la médecine occidentale base elle sa pharmacopée sur le chimique ? J’ai toutefois bien conscience de la portée par trop réductrice de cette réflexion, puisque la Chine fabrique industriellement et exporte quatre vingt pour cent des médicaments avec lesquels se soigne l’occident.

De la trahison du thé

Lors de ces nombreux repas qu’il nous sera donné de prendre, une fois installé, j’ai personnellement eu à assumer ce qui constituera une autre de mes déceptions lors de ce voyage. En effet, à peine assis, nous sont d’entrée également servis des breuvages chauds et clairs, que j’ai au début, pris pour de l’eau rince- doigts. IL s’agissait en fait de thé (cha) que je trouvai, selon mon propre ressenti, sans goût ni grâce. Il me donna même l’impression que j’avalai de l’eau chaude de base !! Cette expérience, je dois le dire, fut une de mes grandes déception lors de ce voyage, dans la mesure ou tous les thés servis, au même titre d’ailleurs que ceux proposés dans tous les restaurants ou nous sommes passés, m’ont semblé receler la même insipidité. J’en ai d’autant plus été peiné, que certains membres du groupe avaient lancé de vives discussions passionnées quant aux différences de saveurs, d’arrière ou d’avant gout, ce qu’il ne m’a pas  été  possible, malgré toute ma bonne volonté de ressentir !! Ce voyage aurait il déclenché en moi le constat de mon agueusie ?

Volet touristique de ce voyage

Comme je l’ai expliqué en début de récit, l’objectif premier de ce voyage était le martial. C’est pourquoi ce bref condensé ne comporte que la sommaire énumération des néanmoins attractifs lieux que nous avons visité. Outre notre passage éclair à Pékin, nous avons beaucoup circulé en voiture, en train, vu du pays, séjourné à Hangzhou, Tin hua et Shanghai, visité un immense et magnifique temple taoïste, le village de Chen Jia Gou ou fut conçu le tai chi original de style Chen, des monastères bouddhistes, fréquentés nombre de restaurants hauts de gamme, dormis dans de luxueux hôtels, visité des musées et plusieurs sites touristiques statuaires , une usine de vers à soie, des salons de thé (. !!) et bien d ‘autres choses encore. J’ai toutefois regretté de ne pas avoir pu côtoyer les fiers guerriers debout de Xian, pourtant initialement prévus au programme, tout comme quelques pans de la Grande Muraille. Autant de visites annulées suite aux décisions WSW de bouleverser au dernier moment le choix des lieux de pratique. Ceux-ci étaient curieusement éloignés les uns des autres par une ou deux provinces, chacune presque aussi vaste que notre petite France. Nous apprendrons par le biais de Manu, jamais avare d’informations, que les changements de programme de dernière minute leur sont coutumiers.

Un grand merci à toi, petit Manu, si jeune, et déjà si plein de connaissances et de ressources  de toutes sortes. Je suis content de te connaitre ! Tu as eu le parcours que je n’ai jamais su oser, alors que tu n’as que l’âge de mes deux fils. Merci pour tout ce que tu as fait, toi aussi, pour nous assurer bien être et loisir, entrainement et explications grâce à ton excellent niveau en chinois, que j’admire, et que j’envie !! Merci aussi pour l’organisation sans faille de ce voyage, pour les  nombreuses prestations dont  nous avons pu bénéficier, auxquelles il ne nous aurait probablement pas été possible d’accéder si nous étions passés par l’entremise d’un voyagiste forfaitiste, probablement en toute forfaiture … !

Constats et acquis techniques

L’organisation des entrainements

Les entrainements commencent sans véritable commencement.  Ma surprise est immense ! Où est le cérémonial impeccable propre aux dojos japonais ? Où est la sacro sainte rigueur nippone, son alignement  militaro-systématique, ses saluts, ses  courbettes, les révérences, le silence ? Ou sont  la distance, l’attention, le cérémonial érigé en tradition de ces insulaires ? Un japonais de passage ce jour là en ce lieu, même non adepte, aurait à tout coup été victime d’un infarctus fatal en comprenant  qu’il s’agissait  là d’un cours d’art martial dirigé par un maitre, qui plus est célèbre à l’échelon national. Pourtant, il s’agit bien d’un entrainement, d’une séance, d’un « Keiko », en chinois « lianxi ». Je n’en crois pas mes yeux !!! En chine, j’apprendrai qu’il n’existe pas, à proprement parlé, d’endroit spécifiquement consacré à l’entrainement. Les adeptes se réunissent là ou ils peuvent, de préférence en pleine nature pour des entrainements collectifs qui s’apparentent plus tôt à des réunions informelles.

La plupart des disciples du maître ne se changent pas. Ils pratiquent avec les vêtements qu’ils portent, négligeant ainsi toute notion d ‘hygiène. Ils s’installent lascivement en périphérie du lieu sélectionné pour l’entrainement, prennent, ou pas, mollement une posture, devisent gaiement, téléphonent, fument, vont, rotent, viennent, pètent, partent, reviennent, re-bavardent. Lorsque le maitre fait signe qu’il va délivrer à l’un d’entre eux au travail une information corrective, l’attention dévient éminemment aigue. Tous s’approchent, écoutent attentivement, repartent, semble t-il nantis  d’une nouvelle dimension qui constituera leur acquis du jour, définissant peut être, les objectifs de leurs entrainements personnels à venir.

Tout au long des entrainements de deux ou trois heures qu’il nous sera proposé de suivre, Wang Shang Wen parlera d’abondance, généreusement et passionnément. Tout sera scrupuleusement traduit au fur et à mesure par Manu. Lui aussi essaie de travailler, dans la mesure du peu de disponibilité qui lui est laissée. Les cours ne sont pas structurés. Lors des premiers, Wang Shang Wen semble vouloir, au travers de la pratique de la posture standard, vérifier qui nous sommes et où nous en sommes. Il suivra toutefois, non sans de nombreux retours sur la base que constitue le travail postural, un schéma simple, passant en revue, d’un entraînement à l’autre, chacune des familles techniques composites du Da Sheng. Ces sessions ne sont pas structurées par la progressivité d’un fil conducteur rationnel, mais toutefois conduites de telle façon passionnée que beaucoup d’informations parviennent à alerter nos neurones : Postures, déplacements attentifs, essais de force, tui shou, cinq éléments, marche du bagua, explosions de force et danse martiale seront abordés au moins une fois. Je comprends qu’aucun exercice de combat libre n’est envisagé. Questionné à ce sujet, Manu me convainque que cela semble de beaucoup préférables. Il me sera donné de comprendre pourquoi !

Comportement dichotomique entre pratique et tabagisme

Wang Shang Wen fume abondement, même en dirigeant le cours. Défilent dans son bec, comme s’il se les était fait greffer, cigarettes sur cigarettes. Lorsque l’une  est sur le point d’être terminée, il se fait fournir la  suivante par un de ses assistants. Ceux-ci, devançant parfois son désir,  se précipitent pour lui tendre un  nouveau rouleau qu’ils ont prélevé dans un paquet soigneusement entreposé dans la poche arrière du pantalon du maître. Ceci me semble tout à fait difficile à comprendre pour des gens prônant l’amélioration de  la  santé par la pratique quotidienne de la posture !!  Du groupe de chinois, quelques rots sonores tentent de voler la vedette à quelques sonneries de mobile, ou plus fréquemment de fertiles raclements de gorge qui finiront écrasés au pied sur l’aire d’entrainement. En chine,  chacun, je le répète semble faire ce qu’il veut, cohabitant avec ce que nous, français voulons considérer comme étant les tares comportementales du voisin.

De la prépondérance de la posture

Wang Shang Wen nous rafraichit d’emblée la mémoire, en nous martelant, encore et encore, le principe de base selon lequel la posture est primordiale. La manière dont ils pratiquent celle, standard, de base, celle de l’arbre, n’est en rien éloignée de ce que nous pratiquons nous même. Je retiens toutefois la nécessité d’y inclure une connotation mentale résolument martiale différant ainsi de celle de la recherche de bien être. Il nous est recommandé de toujours penser,   « combat », « danger », « situation létale », « « extrême », lorsque nous travaillons une plage prolongée de posture, quelle qu’elle soit. Les mains doivent toujours se trouver  à une hauteur telle qu’il est possible de défendre le visage, selon la mise en place d’un espace entre les bras dans lequel rien ni personne ne rentrera. WSW estime également que la multiplication des postures, lors de nos entraînements personnels, s’avère inutile. Les postures sur une jambe, ou les postures bases, comme retenir le tigre, ou le dragon renversé, font effectivement partie de la tradition du Yi chuan. Mais la posture de base est essentielle ; elle doit nous devenir consubstantielle

Un soir, dans un restaurant où nous finissions un autre de ces festins, WSW nous fit, dans la salle à manger même, une brillante démonstration de ces postures basses. Son travail s’avéra d’une qualité touchant à la perfection, si j’en pus juger, par l’esthétisme qu’elles dégageaient. Après nous avoir rappelé que le travail régulier des postures permet d’acquérir une résistance aux chocs, joignant le geste à la parole, le pratique au théorique, WSW en profite pour « déménager » Wang Hong Pu et son quintal avec la plus déconcertante des facilités. Il exécute pour cela son élève en posture,  quelques frappes relâchées, dont la puissance m’a semblé terrifiante, malgré le clope vissé au bec !!! Son assistant a du mal à encaisser : il recule de plusieurs mètres sur ces impacts pourtant contenus. Lors des nombreuses séances de posture pratiquées lors de tous les entrainements, ses assistants interviendront à sa demande, pour corriger les participants occidentaux. Les correctifs seront toujours effectués d’une manière mutique, manuelle, non pas seulement avec la traduction de Manu, mais gestuellement,  par le biais des mains des chinois, tout en délicatesse, empreint de la plus remarquable  courtoisie, quel que fut le taux d ‘erreur apposé à nos respectives productions.

De la pratique des  Shi- li (essais de force)

WSW nous reprécisera, lors de chaque entrainement, qu’à chaque posture, correspond un Shi –li (prononcer « sheuli  li », soit une posture devenue mobile et répétitive sur un plan donné de l’espace. Il précise également qu’il existe au moins un shi- li sur chacun de ces plans de l’espace, transversal, sagittal et frontal. Lors de ce stage, nous nous contenterons de travailler les trois premiers, ceux de la vague, sur le plan sagittal, du drapeau sur le transversal, et du crochet sur le frontal .Celui, synthétique, de la tortue, constitue selon lui,  un exercice plus difficile, réservé aux adeptes, car incluant à lui seul ces trois dimensions, avec une plus grande participation des jambes et du dos. Nous passons beaucoup plus de temps à travailler, individuellement dans notre coin, avec l’aide active des assistants qui trouvent encore beaucoup de choses à corriger chez chacun de nous: raideur des épaules, synchronisation des jambes avec les bras, relâchement du thorax, regard, tenue des doigts qui doivent être toniques et toujours dirigés sur le centre d’un adversaire « pour l’instant » virtuel.

De la pratique des tui- shou ou « la poussée des mains » 

Nous pratiquerons, dès le premier entraînement, d’entrée, le second, shuang tui shou, soit à deux mains. WSW incite les français à aller inviter un de ses assistants ou de ses élèves présents.  Xia se trouvant à proximité, me fait le plaisir d’accepter de travailler avec moi. La consigne de WSW consiste à se déplacer en travaillant. Je découvre chez mon partenaire un niveau bien supérieur au mien, notamment de par la qualité de son contact, souple, caressant, disponible, pour le moment attentiste et accompagnateur,  mais aussi  attentif, ferme et brusquement menaçant lorsqu’il me vient l’idée  d’appuyer, ou d’accélérer. Son énergie interne est profonde, continue, omniprésente, telle celle du serpent, patient, qui sait quand et comment  il va gober sa proie.

J’ai ensuite l’occasion de travailler avec Mathieu, qui me démontre qu’il n’y  a pas que les chinois qui ont du talent. Je retiens que ce qu’il a appris en tant qu’élève avec les Ribert relève d ‘une capacité supérieure à la mienne. J’ai ensuite l’occasion de croiser à nouveau les bras  avec Xia Nan, qui déploie cette fois un travail plus intensif, me mettant largement en difficulté. Il m’est ensuite possible d’inviter Sheng Hong Po, le premier assistant du maître, avec qui le tui shou prend une dimension extraterrestre, non pas uniquement de par l’incidence de son quintal, mais aussi de par la puissance supérieure qu’il sait déployer à partir de son dos, grâce à ses subtils déplacements qui me perturbent d’emblée. Il interrompt plusieurs fois l’échange pour encore corriger la direction de mes mains vers le centre, me recommandant par le geste, mais aussi en me faisant les gros yeux, de davantage travailler ma posture. L’impression d’être enfoncé par un TGV lancé à pleine vitesse est celle dont je me sens investi avec une personne de si haut niveau.

WSW  nous explique, au travers de notre traducteur, que cet exercice de tui shou, s’il est bien mené, permet d’éviter les combats durs à touche réelle, à la longue  traumatisant et usant. Je constate en effet que la pénétration  progressive et inéluctable des bras et des poings de Xia ou de Huang Po dans ma propre garde ont constitué un révélateur de ce qu’aurait été un combat à frappe réelle. Perspective peu réjouissante! Le dialogue tactile découlant de cet exercice rassemble tout le travail accumulé pendant les plages de posture, mais aussi celui d’observation  pendant les essais de force, sur place ou en déplacement (shi li) ou ceux de marche circulaire. (Bagua zhang).

Lors d’un autre entraînement, j’eus l’occasion d’aller inviter celui des assistants qui, à tous,  nous semble le plus distant, le plus silencieux, le moins souriant. Li Jun est tout simplement timide et réservé. Il semble en fait content d’être sollicité. Petit, chauve, renfrogné, la quarantaine replète,  il restera vêtu pendant les dix jours du même pantalon et de  la  même chemise. Clope greffée au bec, il m’accueille sans sourire, d’un air consentant-contrarié, du style : « T’en veux ? Bon, tu vas en avoir ». Il rectifie non sans manifester un peu d’agacement  la position de mes mains, tentant, par la parole, puis d’un regard empli d’un esprit coopératif et pédagogique,  de me  faire comprendre que l’extrémité de mes doigts constitue  la pointe de mon épée, que celle-ci doit, dans toutes les  formes de combat ,de près ou à distance, menacer sans discontinuer le centre de l’adversaire. Le contact est intéressant. Il se prolonge, alors que les autres ont déjà plusieurs fois changé de  partenaire. Li Jun veut m’éprouver, voyant que je ne suis plus tout à fait débutant, même s’il considère justement que mon niveau n’est pas le sien. Le pousse- main s’accélère. Mon partenaire introduit quelques petites attaques au centre,  puis circulaires, qu’il me faut tenter d’absorber sans tensions afin de garder le contact et surtout de pouvoir essayer de « renvoyer » moi-même. Il se pique au jeu, et commence à prodiguer quelques « fa- li » (explosion venue de l’intérieur se manifestant à l’extérieur) qui me secouent les bras, les épaules et le thorax. Je tente d’en faire de même, ce qu’il semble agréer par quelques hochements de tète approbatifs. Ce chinois adore manifestement  la castagne ! Il aimerait aller plus loin, mais, jusqu’ou ? Mon poids étant supérieur au sien, je parviens à le bouger  un peu, engendrant illico chez lui un passage sans préavis  au niveau et au rythme supérieur. Il me faut alors davantage utiliser les déplacements circulaires et égaliser encore plus  les tensions entre mes deux bras, car les défenses se mêlant aux attaques, je risque de rapidement perdre pied. Il me fait alors signe, en grognassant, les yeux encore plus plissés qu’au naturel,  de tenter moi-même quelques explosions pluridirectionnelles : cela marche !! Le tuishou devient alors un véritable échange, mais dans lequel je sens bien que mon partenaire a su  garder sous  le coude juste ce qu’il fallait  afin de me faire travailler au maximum de ce que je pouvais produire sans toutefois  altérer la qualité de l’échange. Pourtant, quasiment aucune  parole n’a été échangée, outre quelques « hen hao » (très bien) et « mei you ..», ou « bu » ( il n’y a rien..Non ! ) de sa part. Nous nous séparons sur ce dernier exercice, que la chaleur, pourtant oppressante n’a  pas semblé rendre pénible, tant il m’a paru agréable, édifiant et enrichissant.

Le test de la chemise de fer

Lors du troisième ou quatrième entrainement, WSW nous conduisit dans un endroit exceptionnel de la ville de Tin Hua où nous nous trouvions. Il s’agissait de la réplique miniature du temple Shaolin, situé en périphérie, épargné par les visqueux tentacules de la modernité. Improbable, l’endroit, empreint d’une immobile sérénité, bruissant des cris des oiseaux au soir tombant, avoisinait un canal planté de nombreuses bambouseraies naturelles. Un péristyle aux murs recouverts de fresques versicolores évoquant divers arts martiaux entourait une cour carrée, qui sera notre lieu de pratique. L’endroit est magique ! Une miette traditionnelle de la Chine profonde sauvegardée dans l’immensité de la pétaudière de la Chine nouvelle, mondialiste, bétonnière, dévoyée. Fier de son coup, WSW avait ce soir là donné rendez vous à d’autres disciples, arrivés peu discrètement au volant de grosses berlines allemandes de haut de gamme. Manu me confia que l’air louche de ces nouveaux venus ne lui plaisait pas plus qu’à moi.

Postures, essais de force, déplacements, meublèrent le début de l’entrainement. La marche en cercle du Pakua nous fut ensuite proposée. J’observai que les Vibert avaient, avec cet exercice comme pour tous les autres, de nombreuses longueurs d ‘avance sur nous tous. WSW put les faire travailler à part, selon leur exigence et leur niveau, car Michèle et Christian étaient, tout comme moi, très demandeurs d ‘une optimisation du temps de pratique par rapport à celui des flâneries touristiques Xia Nan ne me quittait plus : il s’employait à me guider dans tous les exercices, m’incitant à davantage relâcher mes épaules. Puis il me demanda sans trop sembler y croire, par quelques mimiques suggestives,  si j’acceptais de recevoir « quelques coups » de sa part ! D’après ce que m’avait appris mon sampaï Alan, (en japonais, ancien) cela ne se refuse pas. C’est pour les  chinois, leur manière de tester un adversaire en recevant ses coups, sur place, offert, sans esquive ou sans parade, puis en éprouvant en retour notre force d’impact sur cette même personne. Cette manière de faire constitue une voie économique et semi pacifique d’effectuer le combat. Elle évite ainsi  les montées de violence traumatisantes et sanguinolentes. Le choix des armes m’est offert, de par ma qualité de visiteur de l’empire du milieu : je vais donc  recevoir le premier le feu  de Xia, sur le haut de la poitrine. Tout le monde s’est approché pour jouir du spectacle. WSW me recommande de fondre la zone sternale, afin d’encaisser sans dommages. Je choisis comme arme, en tant que premier récipiendaire, non pas le poing, ni la pointe du coude, qui me semblent trop aigus, mais plutôt le plat de l’avant bras, moins saillant, plus prudent, aussi,  vu l’ancrage et le poids de mon jaune ami. .Il me faut maintenant encaisser le premier coup de revers de bras de Xia Nan. Il est sec, soudain, pénétrant,  troublant, déstabilisant, mais ne me m’affecte pour autant pas plus que cela.

Je ne recule même pas trop. Donald Li, le traducteur, s’étant entre temps joint à nous, il m’est ensuite demandé si j’accepte d’aller « plus loin » ce pourquoi j’acquiesce . Le second coup évoque la rencontre frontale avec un phacochère mâle adulte. Une sensation d’oppression, puis, de brulure à la poitrine m’investit. Mais point encore de souffle coupé, mais un plus net recul que sur le premier coup. D’un signe de tête, je fais signe que je suis apte à continuer le dialogue. Aurais je outrepassé ma lucidité ? Il n’en reste pas moins vrai que les chinois, qui nous entourent visiblement, doutent de ma  capacité à encaisser le troisième. Lorsqu’il arrive, non plus comme un phacochère, mais comme un éléphant, une sensation de  plaie profonde interne s’installe, assortie des éclairs du huit décembre lors des  illuminations à Lyon. Je n’ai toujours pas de souffle coupé, ni de perte de connaissance, mais le choc fut d’une rudesse extrême. Tous les chinois me font signe qu’ils pensent qu’il est  déraisonnable de poursuivre l’expérience, qu’un quatrième coup, logiquement plus engagé, (..Dieu serait ce possible ?) se superposant aux trois premiers, pourrait avoir raison de mon intégrité physique. Xia nan, chevaleresque, m’offre une interversion des rôles, puis, sa large poitrine afin que je m’y épanche à mon tour. Il s’installe dans un positon relâchée, jambe avancée, visage détendu, confiant ! Il encaisse ce qui sera mon seul et unique coup. Unique, car je me tords le poignet, le coude, me démet presque l’épaule sur l’impact comme si j’avais  frappé un  pneu sur gonflé ! Je n’éprouve pas même le besoin de frapper une seconde  fois, tant l’inutilité en est évidente, tant la différence de niveau est telle  que je perdrais mon temps et le sien à vouloir prouver que je peux « faire plus encore, mieux, fort ». Cela serait ridicule !! Nous nous serrons chaleureusement la main. Je le sens tout de même rassuré  par ce test : l’aurais je tant impressionné qu’il veuille vérifier ce que j’avais dans le ventre ? Dans son coin, au fond de l’autre préau, seul avec une nouvelle clope, WSW, qui n’a rien perdu du spectacle, me fait de loin signe, d’un d’œil « qu’on plisse, » le pouce levé, pour me signifier d’une petite moue approbatrice,  qu’il  n’est déjà pas si  mal que je sois encore debout. Cette expérience fut fondatrice pour moi. Car j’avais bien réalisé que mon partenaire en avait gardé sous le pied pour tout simplement ne pas me détruire. Nous retournâmes, pour un long moment encore, à nos marches circulaires, plus pacifiques, regards rigoureusement fixé sur le centre, sur un adversaire redevenu virtuel.

Entretiens avec maitre Wang Shang Wen.

Lors du huitième jour, après un entrainement poussé et un dîner au bord d ‘un lac isolé, WSW, bien calé dans un fauteuil, nous invita à lui poser des questions libres à propos de la pratique. Il s’était installé avec une caisse de bière et une cartouche de cigarettes, convaincu de la perspective de notre insatiable curiosité ! Recueillir ses proposa constitua un des grands moments de ce voyage.

De l’influence thérapeutique de la pratique

Les questions, d’abord timides, se firent plus nombreuses, notamment de la part des Vibert, ayant trait à l’aspect thérapeutique de la  pratique de la posture. WSW nous expliqua que n’étant pas praticien soignant, il ne tenait en  aucun cas à se montrer trop assertif sur la capacité de guérison de certaines postures  prolongées. Il nous cita tout  de même, pour mémoire, des faits,  sous forme de diverses anecdotes, retraçant quelques cas célèbres en Chine, de personnes atteintes de pathologies graves, guéries, ou ayant  stabilisé leur mal, grâce aux conseils avisés de Maitre célèbres, ou de personnes, parfois obscures, investies d’une capacité prophylactiques, qu’il choisit de  ne pas nommer!

De l’influence des sollicitations multidirectionnelles* des différents chakras du corps  énergétique dans la pratique.

Je me lançai ensuite dans le vaste questionnement inhérent au ressenti du corps énergétique et du rôle des différents point vitaux  lors du travail de posture. WSW expliqua que cette sensation, selon lui relavait d’une forme de sophistication sensorielle certes intéressante , mais que l’essentiel du travail devait se concrétiser par la simple installation progressive, au fur et mesure des années de pratique, d’une conscience de force et de bien être, dont les principes se mettent  automatiquement en place, de par la logique introspective de celui qui veut bien s’en donner la peine. Bien sur, la présence d’un maitre, d’un guide,  s’avère indispensable, mais sous réserve que son intervention limite le champ cognitif de la  pratique et que les étapes en soient franchies progressivement. Autrement dit, il estime qu’un maître doit se comporter comme un guide, en indiquant à ses élèves ceux des exercices  essentiels dans lesquels il estime que les élèves doivent successivement s’investir, sur le long terme.

Pour ce qui est de l’utilité des sollicitations multidirectionnelles* des différents chakras du corps  énergétique, exercice propre à l’école de Kei Yamatsu, consistant en émission d’impulsions volontaires circulaires de chacun des chakras de la ligne de centre, sur les trois plans de l’espace : (frontal, sagittal et transversal*) dans le sens horaire, puis, antihoraire, WSW  me dit d’un air amusé, déjà avoir précédemment  répondu à cette question. Il précise avec conviction qu’il juge inutile, voire superflu  d’imprimer volontairement une direction, ou une contraction lors d’un exercice de conduite d’énergie par l’intention, alors que l’on recherche justement le lâché, le vide, la flottaison, la disponibilisation  totale du corps et de l’esprit dans l’espace.  La durée,  la régularité et l’intensité  de la pratique de la  posture pourvoient automatiquement, selon lui, à  ce type de sensation,  qui se  met en place sur le long terme.

Il en va de même avec les contractions du bas du corps alliées à la pluri-directionnalité des intentions dans les  bras. J’entre donc là, à ce stade, en opposition  avec ce qui  m’a été enseigné dans mon ancien courant de pratique, qui m’a pourtant semblé me faire avancer dans la capacité d’accumulation explosive potentielle. Je reconnais toutefois qu’une séance prolongée et intensive  de contractions du bas du corps a toujours eu comme effet de m’épuiser littéralement, nécessitant une longue période de récupération ultérieure affectant ma lucidité, alors que les plages de postures simplement relâchées d’un un effet inverse, m’amènent à la limite de l’euphorique, et ce pour le reste de la journée.

Question  relative à l’influence du Qi gong en général, dans la pratique.

WSW n’estime pas nécessaire de prendre en compte ces notions dans la cadre de sa pratique, qu’il répète devoir être simplifiée au maximum. Lorsque je lui explique que lors de ma pratique personnelle de posture, j’éprouve un assez net ressenti des différents relais (chakras, points vitaux : je préfère la dénomination « points mobiles)  de mon corps  énergétique, il répond que c’est là une bonne chose  en tant que repaire. Mais que cela doit servir essentiellement à auto corriger notre posture, par l’introspection interne du schéma ainsi relié par ces zones mobiles. Que cette  constante autocritique de notre exercice va, à la longue permettre à notre corps, donc par extension à notre esprit, d’adopter celle des postures qui s’avérera être la plus juste physiologiquement, la plus forte, pour nous. Il est toutefois à noter que ce que nous parviendrons à réaliser constituera malgré  une  façon de faire commune, un résultat différent de celui qu’obtiendra notre voisin. Les différences, de disponibilité, de motivation, d’âge, de niveau, d’état de santé, d’état de forme articulaire, voire morphologiques en seront les variables d’ajustement.  Le qi gong, quelque soit sa forme ou son école, semble revêtir pour lui un aspect formaliste de chapelle qui s’éloigne d’une recherche de confort simple et évident, venant tout seul avec la pratique et l’autocritique.

Du bon usage de la pratique posturale

WSW nous serine que le travail régulier et prolongé  de postures, selon les trois principales recommandées, est primordial. Il doit, selon lui, constituer le quotidien de la base de nos entrainements personnels. Il nous rappelle une série de recommandations essentielles: Le travail  avec le poids du corps sur le pli de l’aine (kua) permet d’accumuler de la force, un peu comme un arc qui se tend. Je crois comprendre que cette posture jambe arrière sollicite énormément des muscles profonds comme le grand couturier et le psoas iliaque. Les coudes ne doivent jamais se baisser, au risque de faire disparaitre la force. Le majeur doit être mis en  crochet  en direction du centre de l’adversaire, protégeant notre propre centre, comme un point de repère. Penser  être assailli  par de multiples  adversaires aide à concentrer notre force pendant les plages de posture.





Jian chuan et jian wu

WSW, rappelant qu’il n’existe pas de forme consacrée caractérisant son école. Les katas, ou taos, constituent donc le travail indispensable d’enchainement des différents pôles techniques étudiés. Mais, à contrario des autres écoles où les techniques s’effectuent dans un ordre consacré, ces enchaînements du Da Cheng chuan sont totalement libres, basés sur l’improvisation spontanée que

l’adepte veut et peux en faire, selon son niveau de disponibilité et d’avancement. WSW distingue pour cela « Jian-wu », davantage destiné aux techniques purement énergétiques reliées au qi gong yang sheng, avec postures, les huit déplacements, les essais de force et les danses des vagues, du dragon, de la grue et des autres animaux. Puis, jian chuan, plus spécifiquement relié aux techniques de combat, avec les cinq éléments, les trois coups de poing spécifiques, les techniques de frappe des animaux, les trois paumes du Bagua et ses quatre changements, sans bien sur omettre les explosions de force (fa li) et les sorties de son (shi sheng).

Quelques démonstrations d’enchainement libre nous seront régulièrement présentées par les trois principaux assistants. Leur travail déployé me semble magnifique, car lié, sans vide, sans temps mort, sans tangible recherche du mouvement d’après. Beaucoup de techniques employées sont portées par des déplacements à la fois linéaires et circulaires, agrémenté de quelques explosions de force qui impliquent tout le corps de l’exécutant, sans toutefois que son souffle soit le moins du monde altéré.  L’intention (yi) semble omniprésente dans le déroulé des gestes et des sorties  de forces. Tous savent conserver une liaison entre la colonne vertébrale et les mains,  sollicitant non plus une seule chaîne musculaire, mais bel et bien, la globalité du corps.

Lorsque WSW lui-même exécute un jian chuan, je constate, impressionné, que sa mobilité toute chorégraphique n’est pas sans m’évoquer des  séquences de tai chi exécutées à grande vitesse. J’observe qu’il écarquille les yeux à outrance, tire même la langue, émettant des sons peu amènes. Il me semble voir d’abord bouger son buste, thorax et abdomen compris, selon les points mobiles de sa ligne de centre,  assurant le départ de chaque technique, ou de chaque déplacement à partir de sa ligne médiane. Sa tête est sans cesse en mouvement non pas par des sollicitations du cou, mais selon les inclinaisons  obliques latérales et frontales qu’il imprime à son buste. Son regard est comme un guide qui ne lâche pas un seul instant sa proie et qui entraine le reste de son corps derrière lui. Sa détermination s’affiche aussi par la profondeur de ces petits lâchers vocaux de décompression, émanant du dedans, ponctuant toutes les frappes. Il est époustouflant de détermination et de potentielle dangerosité : Je me demande ce qu’il adviendrait s’il me fallait combattre contre un tel phénomène. Je me pose aussi la question de savoir ce qu’il pourrait faire contre un boxeur anglais de haut niveau, entrainé à tenir quinze rounds, à encaisser, en pleine condition physique, diététiquement suivi, alors que lui n’a pas intégré la moindre hygiène alimentaire, qu’il se gave de bière et de nicotine : Il y a là, en tout état de cause, quelque chose de précieux gâché !! 

Lors du tout dernier entrainement, sur la place publique qui accueillait ce jour là notre pratique, une musique municipale aigrelette passant le même morceau en boucle, gène les directives de WSW .Sur un mur aveugle d’un bâtiment la surplombant, une énorme photo de jacky Chan supervise notre travail. Des gens de tous âges, perplexes viennent assister à nos ébats. Une femme nous apporte de l’eau. Il nous est à tour de rôle demandé d’effectuer un enchainement de techniques, offensives ou défensives de notre choix. Invités à se produire devant les autres, nous devons nous soumettre au principe d’ »échappement libre ». WSW sait que notre façon de bouger, ou pas, révélera notre sensibilité et probablement, notre niveau de pratique. Le mien,  comme celui des autres, est observé à la loupe par WSW. « Dui » c’est cela), me dit-il, indulgent ! « L’esprit y est,  mais qu’il y a encore trop de contraction dans les explosions, et il te faut encore travailler tes bases !! » me traduit Manu.  J’ai malgré ce constat, éprouvé une joie intense à m’exprimer, sur cette place perdue du sud est de la Chine malgré cette musique stupide et déplacée,  devant un parterre d’autochtones intrigués par notre groupe et sa pratique.

De la pratique de la boxe en cercle ou bagua zhang

Le Bagua contenu dans le Da Cheng a été considérablement simplifié par le fondateur. Des 64 techniques en cercle existant dans de nombreuses écoles antagonistes, le Da Cheng n’a conservé que quatre changements de direction sur le pas en cercle, trois frappes différentes avec les paumes, (Xiao, Yé et Ta Zhang). Il est bien entendu possible de greffer à tout cela tout le reste des techniques de base, le jian chuan s’en trouvant considérablement enrichi. La prime recommandation du maître consiste à nous inciter à marcher en cercle avec la garde des bras en forme de posture  « écarter les nuages » en changeant de sens. Ce simple exercice comporte en tant que tel, une vertu thérapeutique reconnue par de nombreuses cultures, pas forcément sinisantes. WSW établit alors un parallèle avec les mille heures de posture et les mille pas de bagua devant harmonieusement saupoudrer nos entrainements personnels, ce avant toute répétition technique, quelle qu’elle soit.

Nos amis Vibert semblent  assez avancés sur les techniques du Pakua, même les plus difficiles. Certaines consistent, au vu des applicatifs qu’ils semblent largement maitriser, à inverser le pas sur le cercle pour contourner l’adversaire par un coté, en revenant brusquement sur l’opposé, puis en marchant sur son centre, achevant l’enchainement par un technique de percussion à courte distance. Je suis personnellement ébloui par leur capacité de rompre une grande distance en un temps éclair, d’arriver sur le coté ou dans le dos, sans qu’on ait eu le temps de voir et de comprendre de quelle manière ils s’y étaient pris. Lorsque je leur demandai de bien vouloir décomposer le mouvement et le nombre de pas, ils m’expliquèrent d’un air amusé qu’il ne s’agissait pas là d’une recette, mais d’une capacité conjoncturelle d’évaluation de distance, de concentration sur la mobilité de l’adversaire !!

De l’usage du son

Le principe du « shi sheng », ou émission libératoire de son, peut être comparé au « kiaÏ » des karatekas japonais. Mais le parallèle me semble réducteur dans la mesure où il en est probablement l’ancêtre, selon une complétude n’ayant plus rien à voir avoir avec les simples hurlements que poussent la plupart des karatekas. Ce son doit être non pas émis par une seule sollicitation des cordes vocales, mais par une mobilisation générale des énergies à partir de la zone abdominale avec répercussion sur ces mêmes cordes vocales .Ce sont de petites explosions de voix ponctuant  chaque coup de poing ou de paume, chaque poussée, tirée, chaque technique. WSW, recommande de laisser ainsi sortir  un peu  de nos tensions, de notre pression accumulée. La qualité du son ainsi exprimé peut être révélatrice de celle de l’énergie interne  accumulée ou pas. J’avoue avoir beaucoup de difficultés à exécuter correctement ces exercices. WSW ne s’appesantira d’ailleurs pas trop sur ce thème, estimant qu’il n’était sans doute pas encore dans dans nos cordes,… ni du dernier cri.

De la pertinence de la  pratique du Tai chi chuan

Je suis particulièrement empressé pour poser cette question. WSW pense que la multiplication de l’apprentissage des taos, (katas), qu’ils soient rapides ou lents, s’avère à la longue fastidieuse et inutile, dans la mesure où il est préférable de ne maîtriser à fond  que cinq ou six techniques, plutôt que de se fourvoyer en s’échinant à en assimiler 50 ou 60, et forcément, de toutes les exécuter moyennement ou médiocrement. WSW classe apparemment les pratiques en deux registres : l’un simple, l’autre compliqué. Point ! Il dit ne pas pratiquer  quelque forme de tai chi que cela soit, estimant que la forme est dans tous les cas de figure fastidieuse et longue. Il ajoute toutefois que cela peut, à ses yeux, constituer un excellent exercice, pour peu que l’intention, l’esprit, le « Yi », soit instillé lors de l’exécution minutieuse de chaque séquence, ce qui ne manque pas de me rassurer compte tenu de la durée de mon investissement dans le tai chi des synthèses ! Si le tai chi n’est pas pratiqué dans cet esprit, c’est à dire si chaque séquence n’est pas pratiquée comme un shi li potentiel,  il prétend qu’il ne s’agit alors que d’une activité culturelle à classer plutôt dans le registre des arts chorégraphiques, comme on le voit  souvent, martèle t-il de son poing sur la table, même  en Chine…. .

De l’utilité de la pratique du combat libre.

Manu nous avait déjà « briefés », lors de notre première rencontre,  sur la position de WSW et de tous les maitres chinois de Yi chuan en général, position qu’il avait d’ailleurs développé ainsi : Selon eux, le combat libre, avec ou sans protection, tel qu’il est pratiqué dans de nombreuses école de sports de combat, ou d’arts martiaux, ne reflète en rien la réalité. Cette réalité, lorsqu’elle met face à face deux antagonistes, ne débute que rarement par une confrontation frontale, empreinte de conventions, quelles  qu’elles  soient. L’explosion de violence qui résulte d’une agression, de côté, de dos, ou même frontale,  l’extrême promptitude avec laquelle se déroule l’assaut souvent  unique,  n’a rien à voir avec le style de combat courtois que nous pratiquons à répétition  dans nos dojos civilisés.

Ce langage ressemble en tout  point à celui actuellement tenu par le maitre fondateur de mon actuel courant de pratique, même si nous avons , sous sa direction, pratiqué le combat libre avec protections et conventions pendant  plus de quinze ans. De plus, nous n’avons que peu d’occasion de nous battre réellement lors d’un parcours de vie, et la probabilité d’une telle éventualité me semble devoir aller en diminuant, avec l’âge,  la raison s’installant.

WSW ajoute que ce qu’il enseigne à ses disciples et élèves ne peut en aucun cas être testé, de crainte de devoir sans cesse subir de graves blessures, entrant ainsi  en contradiction avec l’aspect développement personnel et bonne santé lié à cette même pratique. Il réexplique que la pratique des tui-shou (pousse mains, )  et  san shou  (échange libre en mains collées) constituent, selon lui, un bon compromis entre la réalité et le désir de préserver l’intégrité physique de l’autre . Ceci ne diffère également que très peu avec ce que je pratique depuis 22 ans. Ce fut également l’analyse que m’avait proposée Nicolas IVANOVITCH,  Maitre d’arts martiaux chinois en France, disciple de SU Dong Chen..

Le jeu de combat avec protection ne doit donc constituer qu’un divertissement ludique propre à nous familiariser avec l’échange, à pimenter notre pratique par une approche ludique,  mais ne doit en aucun cas être assimilé à un reflet de la réalité du combat. Le port de protection nous amène, à la longue, à moins de vigilance, du fait que les sanctions ne sont que peu pénalisantes. Enfin, la distance réelle est faussée par l’épaisseur des casques et des gants, et nombre de touches que nous croyions décisives  ne le seraient pas en cas de combat pour notre vie. Les techniques enseignées  et pratiquées en Yi chuan le sont, mais ne doivent en aucun cas être mise en application réelle  lors de l’entrainement.

De la confidentialité de la transmission

Toujours sous la traduction avisée de Manu, WSW estime que le savoir n’appartient à personne, même celui dit secret, issu de la tradition. Il nous dit être investi d’une mission de transmission, d’être en droit d’enseigner au tout venant. Charge ensuite à ces personnes ayant recueilli cet enseignement de s’investir dans LEUR travail personnel Aucun secret ainsi révélé ne pourra assumer un tel statut, ni s’avérer de quelque utilité à l’apprenant si celui-ci se contente de « connaitre » au lieu de « ressentir ». Comme ceux qui localisent la cache d’un trésor, mais sans   pouvoir jamais  y accéder. Cette réflexion n’est pas sans me rappeler une lecture d’Ouspanski, disciple de Gurdjieff, lequel affirmait que même  si on donne le savoir au gens, ils n’en veulent finalement pas si celui-ci dérange leurs habitudes. Je  sens chez WSW une disponibilité étonnante, alliée à une volubilité et une ouverture d’esprit par le moins surprenante pour un asiatique rencontrant, pour certains d’entre nous, pour la première fois des occidentaux inconnus, aux motivations indéfinies, au niveau incertain, leur dispensant pourtant une écoute attentive et généreuse..

A la question de savoir à qui il transmet, en référence aux écoles concurrentes, ou à ceux susceptibles de mal retransmettre ou réutiliser son enseignement, WS explique par un sourire désarmant qu’il sait toujours ce qu’il transmet et avec qui il le fait. Je me pose alors la question de savoir s’il me connait suffisamment, moi, misérable vermisseau étranger le rencontrant pour la première fois, et peut être pour la dernière, pour  me transmettre ne serait qu’une parcelle de son immense savoir ? Je me sens donc bêtement flatté, mais avec le sentiment sous jacent  que lors de ce stage,  la véritable transmission s’est probablement effectuée dans les chambres, entre chinois, d’où le pourquoi de leurs tardives réunions, et probablement de leur réserve lors des entrainements communs. La question du niveau, et sans doute de la confiance me semble  donc  bien réelle, même si elle n’a pas été formulée, sans doute par courtoisie envers des visiteurs, au demeurant vécus comme sympathiques.  

 L’heure des adieux

Quelques jours plus tard après cet inoubliable entretien, après notre séjour touristique à Shanghai, celui du temps des adieux est arrivé ! Ceux-ci seront émouvants. Même Huang po, le quintal impassible semble avoir la larme à l’œil : il  étreint successivement tous les participants, manquant au passage de compresser quelques participantes. Xia nous promet avec émotion et enthousiasme  d’envisager de venir en France. WSW plisse un peu les yeux à l’idée d’emprunter un avion pour l’accompagner. Chaleureusement, il nous remercie, ce qui me semble être le monde à l’envers. Lin Piao est dans un coin, qui se cache pour essuyer une larmette. Li Jun, comme à l’accoutumé, ne se fend pas de la moindre risette,  seule sa poignée de main, plus pudique que les étreintes des autres, me semble avoir un peu plus de vigueur que sa capacité à sourire. Manu doit se multiplier encore un peu plus pour traduire les dernières pensées des uns aux autres .Qu’avons-nous donc  fait pour générer une telle émotion ? Ce moment constituera un des temps fort du séjour, car nous avons vraiment  eu l’impression de quitter des gens que nous connaissions depuis fort longtemps. Puis, un autre choc devra être assumé, celui de la séparation avec nos amis Vibert  qui continuent leur voyage sur la Thaïlande, pour y visiter un de leur fils installé là bas.

Bilan d’un tel voyage 

Un cliché souvenir de l’empire du milieu

Le soleil brillait sur les pointes altières des forêts de buildings. Leurs improbables coloris, leurs formes originales reflétaient le nouveau profil de la Chine moderne dans les eaux d’une mer pourtant originelle rentrant dans la ville. (Sheng/ rentrer, aï, la mer) . Nous nous rendions ce matin là, à pied, vers un embarcadère du ferry qui traverse la baie de Shanghai. Un de ces énormes navires roulants déversant des touristes à la tonne sur la vielle ville. Piétons de tous poils, voitures, camionnettes, poids lourds, cyclistes innombrables, motorisés ou pas ou en vélo- électriques, tous se massent inconsidérément  devant l’entrée, en attendant l’arrivée du ferry. C’est à qui piétinera le plus les roues ou les pieds des autres pour gagner un demi « cun »*. Cette attitude, érigée en sport national est bien connexe à celle régissant le trafic automobile urbain. Une fois le navire accosté, une fois les chaines enlevées, une double ruée s’effectue, dans un désordre incompréhensible. Les sortants roulent ou marchent sur les rentrants qui se ruent de la même façon afin de trouver une bonne place assise, ou un endroit pas trop éloigné de leur véhicule. A bord, une fois en route, l’aigu des conversations atteint son paroxysme. J’observe que toute la gamme de la population figure probablement dans cet improbable amalgame humain. S’y côtoient, dans une indifférence pénétrée, ou une excessive volubilité, à ma gauche , un  jeune géant  au teint mat,  à la barbiche en pointe, pieds nus,  affublé d’un bermuda plus que  crasseux, d’un blouson en cuir sans manche en lambeaux , d’une casquette de paille tressée. Il semble  sortir d’un film de propagande de la révolution culturelle de 1956,  tenant d’une main un vélo préhistorique chargé de trop nombreux  paquets et un cageot de poulets caquetants de l’autre. A ma droite, quelques hommes d’affaires costumés  et cravatés à l’occidentale,  imperturbables lisent un journal chinois ou le Times, preuve de l’encore indélébile trace qu’ont bien voulu laisser nos «  amis » d’outre manche dans cette ville. Là, Une vieille femme peu soignée, pieds nus, le visage fripé, l’air furieux comme une pomme de discorde, parle à son minuscule chien lové dans son corsage en agitant une ombrelle trouée. Un motocycliste fait sans la moindre gêne,  hurler son moteur, comme s’il se trouvait au départ du tour cycliste de Chine, dont il briguerait….le maillot jaune !! Là, deux superbes femmes, la trentaine distinguée, vêtues avec recherche,  belles à mourir, mais peu souriantes, hautaines,  semblent pincer avec regret mais stoïcisme leur adorables  narines, en attendant la fin de ce qui leur semblent vivre  un moment inconvenant, dans une promiscuité qui ne serait pas de leur rang. Un petit vent édulcore la chaleur étouffante, mais trimbale des relents de friture. Le débarcadère approche. Je me surprends à me contracter, comme tous les chinois autour de moi, quitte à moi-même en piétiner quelques uns, sans raison apparente. Serait ce là une Imposture !!!?

Enrichissement de mon relationnel

J’évoquai en début de ce résumé de souvenirs et acquis de voyage, le contact avec Aurelio et Mathias. Ces jeunes gens , à l’esprit critique objectif aigu, m’ont également permis de comprendre  qu’il était possible de progresser tout en restant libre, exempt de toute  appartenance à quelque courant officiel et déclaré, que le fait de naviguer sur le net d’un expert à l’autre peut également permettre un construction interne harmonieuse , pour peu, bien entendu qu’une pratique quotidienne  soit orientée vers des objectifs qualifiés, quantifiés, et à la base, bien, orientés. Tous sont ainsi capables de parler avec passion, en détail et qui plus est, d’une  manière documentée, de toutes les écoles de karaté, de Kung Fu, de Tai chi, de qi gong, de Yi chuan, en somme,  de tous ce qui est proposé. Ils ont une idée assez précise et objective de la spécificité de chaque art martial, de chaque courant, de chacun des leur maitre ou instructeurs, chez qui ils ont parfois, souvent, suivi des stages ou des cours, dont ils ont une idée plus précise qu’une  rumeur ou une réputation  ne peut le conférer. C’est ce qui leur a  permis d’évaluer, de soupeser, et de choisir en toute connaissance de cause avant de s’engager inconsidérément, comme beaucoup trop le font. Tous connaissent ainsi les caractéristiques détaillées  de mon école de référence, selon ses avantages et ses inconvénients, ce qui ne manque pas de me surprendre. Selon eux, leur principale critique  est dirigée sur la manière qu’à son maître fondateur de nipponiser les exercices ou enchainements d’obédience culturelle purement chinoise, même si ceux-ci  se rapprochent de ce qui aurait pu en être la forme originale, avant déformation par la systématisation et médiatisation du karaté par Funakoshi Sensei. Même si j’ai pris beaucoup de plaisir à pratiquer ces formes au près de mon maître pendant vingt deux ans, je dus admettre  le bien fondé de cette remarque, après avoir expérimenté ce séjour et avoir vécu ce que j’ai vécu. Je  souscris à cette opinion, après quarante et un ans de pratique du karaté, au travers de la fréquentation assidue de quatre maitres japonais, que je remercie néanmoins de m’avoir accepté comme élève.

Une relation s’est également établie avec Maître Wang Sheng Wen et Xia nan, avec qui je correspondrai longtemps. Le stage se terminera sur la perspective de plus en plus affirmée de faire venir Wang Sheng Wen en France, si celui parvient à surmonter son avion-phobie. La perspective de l’émergence d’un groupe en Europe l’affriole t’il ? Ou se fait-il prier pour vérifier notre véritable émulation ? Mais un groupe n’existe t-il pas d’une manière larvée ou plutôt cryptée, lors de stages réservés à des gens triés sur le volet, en Auvergne, chez les Vibert ? Chez Calam, Centre artistique et littéraire des arts martiaux ? Ce vocable anagramme, sous tendu par sa dimension intellectuelle, me plait autant que m’impressionne les niveaux de Michèle et Christian.

Je pars aussi avec la sensation d’avoir enrichi mon potentiel  relationnel  de par  l’étroit contact avec eux, avec qui j’ai décidé  que mon dojo collaborerait dorénavant, notamment en matière de Da Cheng chuan et de Yang Sheng. Françoise et moi avons trouvé chez ces gens, bouddhistes pratiquants, la dose de compassion et d’écoute  qui manque à la plupart d’entre nous. Le parcours «  « art martiaux » des Vibert étant encore plus riche et plus long que le mien, pour parvenir en fin de compte au même type de désillusion, puis, déboucher sur une révélation ayant engendré la création d’une entité indépendante. Nous estimons tous, qu’il est de notre intérêt, culturel et personnel de nous revoir et de nous fréquenter.

Je n’oublierai pas non plus l’excellent accueil réservé par les chinois du groupe de WSW, celui  du maitre lui même, de son souci permanent de notre confort et de notre bien être, mais aussi de sa volonté affichée de nous expliquer au mieux tout ce qu’il  a pu aborder, sans jamais hésiter, avec qui que cela soit, à répéter, verbalement et gestuellement.

Bénéfices pédagogiques

Cette première expérience en terre de Chine sera d’ailleurs prochainement consignée sur mon site selon ce récit en cours. Sa lecture contribuera peut être à guider ceux des futurs adeptes désireux de débuter dans l’art martial, sans savoir vers quelle porte frapper, où ils mettent les pieds, et ce à quoi ils s’engagent, et surtotu, avec qui. Mon  bilan en matière d’acquis pédagogiques est  également positif, dans la mesure où  le constat selon lequel la pratique martiale doit demeurer simple et pérenne, m’aide à me remotiver pleinement pour l’entrainement et la pratique, mais aussi pour l’enseignement. C’est ainsi que j’ai dressé, par écrit  une proposition  méthodologique et progressive,  pour la pratique du Da Cheng chuan, destinée à des gens venant pratiquer une à deux fois par semaine. Cette présentation n’est pas exhaustive. Elle n’engage que moi,  elle permettra en tout cas de faire progresser les membres d’un groupe. Ce fut ce à quoi je m’employais dès mon retour, les premiers résultats se faisant rapidement ressentir chez moi, tout comme chez plusieurs de mes fidèles élèves. La somme d’informations accumulées, l’intégration de quelques certitudes, les alliances en perspectives renforceront l’enrichissement de tous les cours, qu’ils soient de combat, ou d’énergétique, grâce à la richesse des explications et des sensations découvertes, ou celles dorénavant sciemment laissées de côté. Une autre démarche consistera en la systématique éradication de toutes sortes d’exercices mutants, indéfinis, superflus, flottant entre le martial, le chorégraphique, l’énergétique, le thérapeutique, et je dois aussi l’écrire, la poudre aux yeux .Je viens d’encore faire un grand pas vers ma sortie de l’Académie. Il m’a été donné de comprendre, lors de ce séjour, que tout chercheur qu’il se prétendait, Kei Yamatsu n’avait ni rien inventé, ni rien amélioré. Christian Vibert, fort caustique, ajoutant  même, lors du dernier repas en commun, qu’en matière d’arts martiaux internes « des chercheurs ou en trouve, mais des gens qui trouvent, on en cherche » !  

Je quitte la Chine avec un premier pincement au cœur. Celui occasionné par un séjour à la fois  trop court et trop fatiguant. Un second, conféré par un moindre regret, celui de n’avoir pas honoré de ma visite les guerriers de Xian, comme le programme initial le prévoyait ou de n’avoir  pas même vu un morceau de la  grande muraille. Je quitte l’empire du milieu, sans en avoir arpenté la moindre parcelle du centre. J’en repars toutefois avec la satisfaction d’avoir pu me faire une idée sociétale  de cet immense pays en pleine  mutation Un bien plus grand regret à vrai dire, me taraude. Celui étroitement lié au constat de m’être épuisé pendant de longues années. D’être demeuré dans l’excès de pratique dû à ma frénésie de tension vers l ‘excellence en des voies dont les sens iniques rendaient obligatoires l’interdiction d’épanouissement, faute de guides adéquats pour en réguler, puis, en accompagner la circulation. Je me console finalement en me persuadant d’avoir pu approcher à la source, la pratique martiale  interne propre à cette culture,  même si la dite source ne m’a sans doute pas livré toute la pureté de son eau, et surtout, ni la longueur de son cours, ou son plus gros débit. Il m’appartient de me laisser porter par ce courant nouveau.

JC Guillot,

Réécrit lors du confinement, avril 2020.










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